Le MDR ne s’applique pas aux dispositifs vétérinaires : une opportunité ?

Sandra DEJEAN , Consultante en stratégie & conformité réglementaire

News
 

Les dispositifs médicaux uniquement destinés à être utilisés chez l’animal ne sont toujours pas soumis à un cadre réglementaire spécifique et harmonisé au niveau européen. Les exigences du règlement (UE) 2017/745 (MDR) ne s’appliquent donc pas pour ces produits.

Un fabricant peut-il commercialiser son dispositif vétérinaire sans autre exigence réglementaire ?

Le fabricant doit vérifier l’existence d’exigences applicables au niveau communautaire et au niveau national.

 

Au niveau communautaire, certaines exigences réglementaires vont s’appliquer au regard des principes généraux de protection et d’information du consommateur et en fonction de la composition du dispositif vétérinaire (par exemple exigences relatives aux rayonnements ionisants, aux sous-produits animaux, futures dispositions relatives à la législation sur l’intelligence artificielle).

Il est important de noter qu’il n’y a très peu voire pas d’exigences spécifiques sur la sécurité et les performances de ces produits pour l’animal ou pour ses utilisateurs.

 

Si ces dispositions communautaires sont reprises dans la législation des états membres, l’absence d’un cadre harmonisé créé différentes approches au niveau national. Les situations suivantes vont être observées pour les dispositifs médicaux à usage vétérinaire :

  • L’absence de dispositions spécifiques : les dispositions générales vont être uniquement applicables.
  • La qualification de certains dispositifs en médicaments vétérinaires ou en produits biocides : les autorités compétentes des états membres se positionnent sur une approche basée sur les risques au cas par cas au regard de la réglementation existante pour les produits vétérinaires. Les dispositions existantes relatives à l’obtention des autorisations préalables à la mise sur le marché et à la fabrication, au maintien des autorisations, aux exigences relatives à surveillance et à la vigilance seront dès lors applicables.
  • La qualification en médicaments vétérinaires fictifs : ce cas va concerner certains dispositifs. Cependant, les exigences relatives aux autorisations de mise sur le marché et de fabrication ne seront pas applicables, ces produits étant considérés comme étant à faible risque.
  • Qualification en produits de santé vétérinaires : selon les pays concernés, des exigences pré-commercialisation (enregistrements, notifications ou autorisations préalables) et post-commercialisation (renouvellement des autorisations, notification des changements, vigilance, archivage) seront applicables.
  • Certaines législations nationales clarifient également les situations pour lesquelles les dispositifs médicaux marqués CE peuvent être utilisés à des fins vétérinaires.

Ce contexte réglementaire est-il une opportunité pour les fabricants de dispositifs médicaux ?

Un cadre réglementaire pour les dispositifs vétérinaires strictement identique à celui existant pour la santé humaine ne serait pas pertinent notamment pour favoriser l’innovation et la mise à disposition de solutions cliniques par cette industrie pour un grand nombre d’espèces animales différentes, au regard de la taille du secteur et du mécanisme de fixation des prix comparé à l’industrie des dispositifs médicaux.

 

Actuellement, les 3 catégories de coûts associés à l’évaluation du poids de la conformité réglementaire sont globalement en faveur de la situation réglementaire actuelle pour les dispositifs vétérinaires :

  • Les coûts d’information sont les coûts liés à la recherche et à l’obtention d’informations sur les processus réglementaires et le traitement des informations obtenues. Étant donné la complexité pour identifier les exigences applicables et leur exhaustivité, le fabricant peut s’attendre à des coûts élevés relatifs à ce poste de dépense (temps de recherche et d’analyse, conseils). Cependant, ces coûts ne seront pas drastiquement plus élevés que pour les dispositifs médicaux. Même si le cadre harmonisé apporté par le MDR facilite l’identification des exigences applicables, la traduction des exigences et la définition de la méthode de mise en conformité nécessite également des investissements.
  • Les coûts de spécification sont les coûts d’adaptation des produits et services aux différentes exigences. Les exigences existantes pour les dispositifs vétérinaires ne reprennent pas les mêmes exigences que celles applicables aux dispositifs médicaux. Pour les dispositifs médicaux qualifiés en médicament vétérinaire lorsque destinés à l’animal, une partie des données et des pratiques développées et obtenues pour l’indication humaine pourra être utilisée pour adapter le produit et l’organisation aux exigences vétérinaires applicables. Ces coûts sont ainsi plus faibles.
  • Les coûts d’évaluation de la conformité sont les coûts de démonstration de la conformité aux exigences tels que les tests de laboratoire supplémentaires, les certificats, les inspections et audits. Ces coûts ne seront globalement pas supérieurs à ceux applicables pour les dispositifs médicaux.

 

Au regard de l’effort de mise en conformité réglementaire par rapport aux exigences existantes ainsi qu’aux délais de mise sur le marché associés, la situation réglementaire actuelle pour les dispositifs vétérinaires est un avantage comparé à celle des dispositifs médicaux.

 

Il est cependant à noter que les exigences de sécurité et de performances listées dans le MDR participent également à l’adoptabilité du produit par les utilisateurs et prescripteurs avec par exemple :

  • Les exigences relatives au processus de conception qui poussent à identifier et à répondre aux besoins réels des patients et des utilisateurs dans le développement de la solution technique.
  • L’analyse de l’état de l’art pour développer un dispositif apportant un bénéfice clinique au regard des solutions actuelles,
  • Les informations fournies par le fabricant qui doivent être adaptées aux utilisateurs et qui doivent informer sur les risques résiduels.

Mes recommandations pour satisfaire aux exigences des professionnels de la santé vétérinaire et pour assurer l’adoptabilité du dispositif en santé animale

Ce cadre réglementaire non spécifique fait que les vétérinaires challengent les solutions proposées notamment en termes de qualité, de sécurité, de fiabilité et de durabilité. Ces professionnels de santé sont également demandeurs d’un cadre technico-réglementaire associé pertinent.

 

L’analyse de la faisabilité du développement et de la mise sur le marché d’un dispositif vétérinaire devrait ainsi se baser sur :

  • La compréhension du marché de la santé animale pour s’assurer de répondre aux besoins cliniques des animaux et aux attentes des vétérinaires, des propriétaires, des gardiens d’une part et d’autre part, pour identifier un positionnement marketing viable pour le fabricant et pour assurer la disponibilité du produit.
  • Une stratégie clinico-réglementaire qui aura pour objectif d’identifier les exigences réglementaires applicables et pertinentes à suivre pour assurer et démontrer la sécurité et les performances du dispositif.

 

L’approche méthodologique que je recommande pour un fabricant ayant déjà un dispositif médical qu’il souhaite positionner en santé animale et favoriser son adoption par les utilisateurs et les prescripteurs est la suivante :

  • Identifier les besoins cliniques à satisfaire selon les espèces animales cibles au regard de l’état de l’art clinique vétérinaire.
  • Identifier les exigences réglementaires applicables selon les pays de commercialisation ciblés ainsi que des exigences réglementaires pertinentes à suivre.
  • Définir la faisabilité marketing selon les spécificités du secteur de la santé animale.
  • Faire une analyse d’impact sur les données de conception et de développement :
    • Analyser l’impact de la destination animale pour les espèces cibles et les utilisateurs associés sur les données d’entrée de conception initiale ainsi que les données de vérification et de validation disponibles.
    • Réaliser les études complémentaires pertinentes pour vérifier et démontrer la sécurité et les performances pour l’animal, l’aptitude à l’utilisation et la confirmation du bénéfice clinique pour l’animal.
    • Utiliser tout au long du processus une approche basée sur la gestion des risques.
    • S’assurer de la définition des informations à fournir à l’utilisateur.
  • En période après commercialisation :
    • Assurer la conformité aux exigences réglementaires applicables (par exemple renouvellement des autorisations, vigilance).
    • Assurer l’obtention du retour d’information des utilisateurs et de leur analyse pour vérifier le maintien de la sécurité et des performances revendiquées. Qu’il y ait ou pas des exigences de vigilance spécifiques en lien avec la surveillance d’une autorité compétente, cette analyse devrait aboutir lorsque applicable à la mise en place de mesures correctives visant à éliminer la cause d’un cas de non-conformité potentielle ou effective ou d’une autre situation indésirable. Une communication aux utilisateurs devrait être mise en place lorsque pertinent.
    • Réaliser un suivi clinique pertinent pour confirmer le maintien du ratio bénéfice/risque positif pour la santé animale.

OHC et ses partenaires spécialisés dans la santé animale vous accompagnent dans l’analyse de la faisabilité du positionnement de vos dispositifs médicaux en santé animale et dans le processus de mise sur le marché. Adressez vos besoins:

 

1er juillet 2022

 

En poursuivant votre navigation, vous acceptez l'utilisation de cookies à des fins de mesure d'audience.